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Patrimoine : La Motte de Billard

Géographie

La motte féodale du château de Billard est située sur la commune de Porchères, au bord de la route départementale 123 E 3 qui relie La Grave à Beytoure ; elle est bordée, en contre bas, par le ruisseau du Courbarieu.

Ce ruisseau, qui prend sa source à Saint-Christophe-de-Double et traverse la base de loisirs, tire son nom de ses très nombreux méandres qui sillonnent dans les forêts. Il sépare les communes du Fieu et de Porchères, puis de Porchères et de Coutras. Il se jette dans l’Isle tout près du village de Frouin. 

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Localisation la Motte de Billard

La motte de Billard

Léo Drouyn, le célèbre archéologue du bordelais, a visité les lieux et en faisait le compte-rendu dans la Revue Archéologique de Bordeaux, Tome I, en décembre 1874. Laissons-le nous décrire les lieux :

« La motte est située sur un des promontoires du plateau qui s’avance entre la vallée de l’Isle et le vallon profond du Courbarieu. Son plan affecte la forme ovale ; le grand axe se dirige du nord-est au sud-ouest ; elle est entourée d’un fossé large de 15 mètres environ (mesures prises au niveau du bord extérieur de ce fossé), mais dont la profondeur ne peut être partout apprécié, parce qu’il a été comblé en partie. L’extrémité du promontoire servant d’assiette au château de Billard était un lieu suffisamment fortifié par sa nature même ; pour en faire une véritable forteresse, on n’a eu qu’à creuser, du côté du plateau, au nord-est, un fossé ABG dont on a rejeté la terre sur le promontoire qu’on avait l’intention d’exhausser. La pente naturelle du terrain, extrêmement abrupte, surtout au sud-ouest, en C, n’a pas paru devoir former une défense assez sûre, on a cru utile de continuer à creuser le fossé autour de la motte ; une partie de la terre qu’on en extrayait a été portée dans l’enceinte, et l’autre, rejetée en dehors, a formé, entre le vallon profond de l’ouest et du sud-ouest, et la vallée du sud-est, un retranchement DEF, large de 10 mètres environ au sommet et à peu près au même niveau que le plateau du nord-est. Cette forteresse était donc entièrement enveloppée par un large et profond fossé qui, lorsqu’il avait sa profondeur primitive, et était entretenu avec soin, devait être plein d’eau, puisque, dans l’état actuel, il en reste encore dans la partie méridionale. La hauteur de la butte est de 10 mètres environ au dessus du plateau, mais de 25 mètres au dessus du fond du fossé, au sud et au sud-ouest où ce fossé paraît avoir conservé sa profondeur primitive.

On ne rencontre dans cette forteresse, aucune trace de construction. »

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Aujourd’hui, près de 150 ans plus tard, la motte est toujours là et a très peu changé par rapport à la très bonne description que nous en a faite Léo Drouyn.

On peut cependant y ajouter quelques éléments supplémentaires.

Nous ne connaissons pas la date, même approximative de la construction des ouvrages de terre comme cette motte. On peut supposer qu’elle remonte à l’époque des invasions barbares, peut-être celles des normands, qui ont remonté l’Isle jusqu’à Périgueux en 743, où à l’époque de Charlemagne qui fonde un château, probablement à motte, à Fronsac, en 769.

La motte de Billard est une des plus belles et des mieux conservées de la région ; son sommet est constitué par un plateau quasiment circulaire d’environ 50 mètres de diamètre. La zone toujours humide, signalée par Léo Drouyn existe toujours et est située comme indiqué sur le plan.

Cette motte était surmontée d’un château en bois, ce qui explique qu’il ne reste aucun vestige aujourd’hui et les différentes enceintes étaient certainement surmontées de palissades faites de pieux dressés pour se protéger d’un quelconque ennemi. Son emplacement stratégique, surplombant la vallée de l’Isle et celle du Courbarieu en faisait, à n’en pas douter, une vigie pour toute la région. Cette motte faisait partie d’un ensemble de fortifications qui gardaient tous les cours d’eau de la vallée de l’Isle, à l’exemple de celles qui se rencontrent au niveau du ruisseau de Belle Source, vers Rangeard ou au niveau du ruisseau de la Mousquetière, à Larret. Voir à ce propos l’article de synthèse publié par Dany Barraud et Bernard Chièze, Inventaire des mottes castrales de la région de Coutras, in Le Pays de Coutras, histoire et Archéologie, GRAHC, 1986.

 

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La Motte de Billard

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La motte Roussinguau

Dans la contrée, la motte de Billard est également connue sous un autre nom, celui de : Motte de Roussinguau(d), Motte de Rostingo, Motte Rotingote… En effet, le cadastre actuel conserve, deux lieux-dits : le château de Billard et la Motte Rotingon séparés de quelques centaines de mètres. Dans la mémoire collective, il s’agit du même lieu, identifié à la Motte de Billard. Cependant au lieu appelé la Motte Rotingon, il existe, au bord du Courbarieu, plusieurs levées de terre, de plus modeste ampleur, mais qui pourraient correspondre à des fortifications avancées, voire à des limites de basse cour.

Les deux seuls documents anciens qui nous sont parvenus ont conservé les deux noms, ce sont les deux livres terriers du comté de Coutras de 1600 et de 1681.

Le 27 mai 1600, Jean Pointet, dit « Dindon », Antoine Cocquereau, Antoine Audinet et Robin Reyreau, tous quatre laboureurs à Porchères, et Maître Mathurin Frouin, notaire royal à Coutras, déclarent posséder et reconnaissent tenir du seigneur de Fronsac « tout iceluy villaige consistant en maysons, granges, entrées, yssues, jardrins, terres labourables et non labourables, prés, bois, vignes, landes et jaulgues qui est scitué en la parroisse des Porchiers appellé le villaige des Bilhartz », confrontant vers le levant au village de Vignerie et des Morets, vers le midi au village des Barraultz et au chemin d’aisine qui va du village des Billards à la Font du Petit Mayne, vers le couchant au village des Barraultz et au riou de Courbariou, et aux villages de la Bombarde et des Mourets, et vers le Nord, à la tenue des Pressat (alias Beytour, est-il dit à une autre page) et au chemin qui conduit de la Grave à Chamartin, « dans lesquelles confrontations y est comprinze la Mothe Roussigault qui est renfermée de foussés, qui n’est subjecte à la rente mentionnée à la présente recongnoissance comme ayant sa bailhette à part ».

La « taxe foncière » qui est due, « annuelle et perpétuelle » est de « cinquante sous tournois, un boisseau de froment, deux boisseaux de seigle et trois boisseaux d’avoine, mezure du marquisat de Fronssac, et quatre gellines bonnes et raysonnables ».

Le même jour, Jean Pointet, Antoine Cocquereau, Antoine Audinet et Robin Reyreau, cette fois sans Maître Mathurin Frouin, reconnaissent tenir du seigneur une pièce de terre labourable, vigne et buissons, à la Mothe Roussigault, « confrontant de toutes parts aux tenues du village des Bilhards ». Il leur en coûte « dix sous tournois, et une paire de chapons bons et raysonnables » chaque année.

Le terrier de 1681 est plus détaillé concernant le lieu précis de la motte.

François Roy, marchand du bourg de Coutras et François Cousseau, laboureur du village de Bilhard déclarent tenir en fief du seigneur de Fronsac « toute icelle piece de terre et mothe consistant en vigne, terre labourable et buissons situé dans la paroisse de Porchier appellée la Mothe Roussiguaud autrement le chateau de Bilhard ci devant entouré de fossé et sur laquelle il y a apparence y avoir autrefois eu quelques batiments » ce fief mesurant trois journaux, pour six deniers tournois d’exporle et pour « dix sols tournois et deux chapons bons et raisonnables de cens rentes annuelle et perpétuelle, payables au jour et fête de Noël portée et rendu au château de Coutras ».

Tout ce qu’on peut donc en dire avec certitude, c’est qu’au XVIIe siècle, la motte de Billard, également appelée la motte Roussingau était un fief à part, mais sans aucun bâtiment ni construction. Et ce depuis certainement de très longue date.

 

Les légendes

De très nombreuses légendes se rapportent à cette motte de Billard. Même si elles appartiennent à l’imaginaire collectif, et au folklore local, elles méritent d’être consignées par écrit.

Un veau d’or serait enfoui à l’intérieur de la motte ; il y  aurait, caché dans les fourrés, un puits « sans fond » ; il y aurait, sur le flan de la motte, une porte en bois qui s’ouvre vers des souterrains reliant, suivant les versions, à Larret, à Puynormand, … ; « Du temps des guerres », on tirait, depuis Puynormand, des boulets de pierre jusqu’au château de Billard, etc.

Léo Drouyn nous rapporte que « Les populations environnantes sont persuadées que la Motte de Billard renferme, dans ses flancs, un trésor considérable gardé par le diable qui fait un mauvais parti à ceux qui veulent s’en emparer. Le Diable, également ne permet pas qu’on y fasse des constructions ; il démolit pendant la nuit ce que l’on a bâti dans la journée.

Cet auteur nous rapporte également que « Une tradition populaire veut également qu’Henri IV ait fait construire toutes les redoutes ou buttes fortifiées des environs de Coutras ; placé sur le sommet de La Motte de Billard, il se battait avec des détachements de l’armée de Joyeuse ; c’est, dit-on, depuis lors qu’on appelle des noms suivants les localités environnantes : la Bombarde, le Cannonier, Moret, les Faures. De pareilles croyances et traditions n’ont pas besoin d’être réfutées. La bataille de Coutras a laissé, dans les environs de cette ville, des souvenirs encore très vivaces. Henri IV a été partout, s’est battu partout, a couché, la veille de la bataille de Coutras, dans tous les châteaux des environs. On a oublié, dans cette contrée, tout ce qui s’est passé avant lui : ailleurs les romains ou les anglais ont tout fait, ici, c’est Henri IV. » Ces propos de Léo Drouyn, sont repris par Jean-André Garde dans son Folklore libournais, essai sur les traditions et usages populaires du libournais, coutumes, rites, préjugés, superstitions, fontaines et saints guérisseurs, culte des pierres, médecine populaire, publié en 1950 par la SHAL. Le lieu-dit « la Bombarde », par exemple, existait bien antérieurement à la bataille, comme le montrent divers actes notariés des années 1560.

Enfin, l’auteur le plus précis sur une légende autour du château de Billard est Edouard Guillon dans son ouvrage les châteaux historiques et vinicoles de la Gironde, Bordeaux, 1868. Laissons-lui la parole :

« Aucun fait historique ne se rattache au château de Billard, mais il n’en est pas ainsi des faits légendaires. Ce lieu situé dans un site isolé, couvert de pins et de broussailles était digne par sa nature sauvage d’être le théâtre de sombres légendes ; aussi ne lui ont-elles pas manqué et celle du baron de Rostinguaud, son seigneur, est très populaire dans la contrée.

Ce baron, qui avait tous les défauts possible, devint amoureux de la noble demoiselle S. de Franck, et ne l’obtint que par l’intermédiaire du diable, auquel il vendit son âme, livrable deux ans après… Le jour de l’échéance, le diable vint chercher le baron ! « Alors un bruit formidable se fit entendre, des flammes éclatantes s’élancèrent de terre et enveloppèrent le château de toutes parts ; les murailles s’écroulèrent, et le lendemain il ne restait plus rien de cette somptueuse demeure ; rien que des cendres et des débris fumants !... »

Depuis cette époque le roi des enfers a établi sa demeure dans cette forteresse inexpugnable, qui ne mesure pas moins d’un demi-kilomètre de tour, et tous les habitants l’ont plus ou moins entrevu sous la forme d’un homme de haute taille et de bonne mine, vêtu d’une longue tunique bleue avec des franges d’or.

En 1858, cette légende ancienne donna lieu à ce que l’on pourrait appeler un événement.

M. de la Crompe de la Boissière, possesseur de la Motte de Billard, qu’il tient de sa famille, envoya un de ses valets éclaircir les jeunes pins qui la recouvrent, et cet homme travaillait dans la partie la plus fourrée, lorsque tout-à-coup, il descendit la figure ensanglantée et poussant des cris affreux ; il venait, disait-il, d’être battu par le diable ! … Cependant cet homme était courageux ; il revint à Billard avec son maître et quelques paysans armés ; il gravit avec eux le monticule et vit ou crut voir le redoutable personnage sur lequel il tira un coup de fusil ; mais il fut aussitôt terrassé, et alors on vit comme la lutte terrible de deux hommes qui se renversaient tour à tour sur l’arène : seulement on n’en voyait qu’un ! …

Ce combat fini, les paysans quittèrent le monticule, et, peu d’heures après, ils y revinrent au nombre d’une centaine, armés de fourches et de fusils. M. de la Crompe, qui les commandait, leur fit battre avec soin toute l’enceinte de la forteresse où ils ne trouvèrent que des pierres, des broussailles, des taillis de pins et des serpents d’une certaine dimension appelés dans le pays les Dragons du Diable !

M. de la Crompe de la Boissière considère ces faits comme le résultat de l’hallucination d’un homme au caractère faible et exalté, sur lequel la vue des lieux légendaires a pu agir d’une manière plus ou moins violente et amener les scènes tout au moins bizarre dont il a été témoin. »

 

Les vestiges du Moyen-Âge sont excessivement peu nombreux en pays de Coutras. Les mottes féodales en sont, mais ne font pas l’objet d’une protection ou d’une attention particulière ni d’une étude spécifique. Dany Barraud et Bernard Chièze en ont identifié 11 dans le canton de Coutras et 21 en incluant la vallée du Lary et concluaient leur article en précisant qu’il ne s’agissait que « d’un rapide tour d’horizon ». Tout le travail reste donc à faire.

Si vous vous promenez vers la motte de Billard, à Porchères, n’hésitez pas à vous arrêter (Attention, il s’agit d’une propriété privée), à écouter attentivement la nature et à ouvrir l’œil, le diable vous surveille certainement !

 La version complète de cet article a été publiée dans la revue du GRAHC - Groupe de Recherches Archéologiques et Historiques de Coutras n° 32, février 2008. http://grahc.free.fr

 

Merci à Philippe Rallion pour son aide à la transcription de ce document.

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